Stéphane Brizé
A 48 ans, Alain Evrard est obligé de retourner habiter chez sa mère. Cohabitation forcée qui fait ressurgir toute la violence de leur relation passée. Il découvre alors que sa mère est condamnée par la maladie. Dans ces derniers mois de vie, seront-ils enfin capables de faire un pas l ’un vers l ’autre ?
Quelques heures de printemps,
appartient à cette catégorie de longs métrages qui bouleversent le
spectateur et le plongent dans l ’inconfort en abordant de délicats
sujets de société. Sans doute faut-il reconnaître au réalisateur de Mademoiselle Chambon (2009)
le mérite d ’avoir abordé dans cette nouvelle oeuvre la question
difficile du suicide assisté. Alors qu ’en France, cette pratique est
interdite, elle est aujourd ’hui possible en Suisse. Quelques heures de printemps évoque
le cas d ’Yvette (Hélène Vincent), atteinte d ’une maladie incurable,
qui prend spontanément la décision de mettre fin à son existence en
sollicitant le secours d ’une association d ’aide au suicide. Stéphane
Brizé porte un regard neutre sur le protocole suivi par Yvette. Il
n ’émet aucun jugement sur cette mort assistée et sa caméra filme les
protagonistes de cette ultime démarche avec la sobriété et le désir de
vérité qu ’impose d ’habitude la réalisation de documentaires. A chacun
de se faire sa propre opinion, en toute connaissance de cause.
Mais
dans ce drame, la mort n ’est pas triste. Elle constitue l ’apogée
lumineuse de ce récit d ’amour contrarié entre une mère et son fils.
L ’urgence de la séparation comme son caractère définitif rendent
possible l ’expression réciproque d ’une affection, qui semblait ne
pouvoir jamais être mise en mots. La mort d ’Yvette donne lieu à un
moment de grâce. Elle permet in extremis qu ’une femme et son enfant
connaissent enfin, au bout de presque un demi-siècle, quelques instants
précieux de douceur, « quelques heures de printemps ». Car le véritable
enjeu du film n ’est pas tant de susciter la réflexion sur la question
délicate du suicide assisté que de mettre en mouvement l ’autopsie
d ’une relation délétère entre une mère et son fils. Pour ce faire, la
caméra s ’installe au coeur du foyer, dans la cuisine des Evrard. C ’est
là, dans la chaleur des fourneaux, que le drame s ’épanouit, que
l ’incompréhension mutuelle entre Yvette et Alain (Vincent Lindon) va
crescendo. Incapables d ’exprimer ce qu ’ils ressentent, ils se
cantonnent dans leur silence respectif. Un silence chargé de rancoeur,
lourd de colères rentrées et de violence contenue. Malgré les tentatives
de médiation de monsieur Lalouette, le voisin affable, qui fait de son
mieux pour leur servir à tour de rôle d ’interprète, malgré le café et
la gnôle, rituels sacrés de la convivialité, ni l ’un ni l ’autre ne
réussissent à surmonter cette espèce de handicap radical, qui leur
interdit de se raconter et de partager la moindre émotion. Stéphane
Brizé filme avec une précision quasi scientifique cette longue
succession de silences assourdissants que viennent à peine troubler les
mots du quotidien. Et si l ’image s ’attarde sur les gestes répétitifs
d ’Yvette (éplucher les légumes, laver la vaisselle, lessiver le sol,
faire les lits…), c ’est qu ’elle semble en avoir tiré une espèce de
langage parallèle, dans lequel elle se définirait mieux que dans la
parole. L ’une de ses plus tendres manifestations d ’amour transparaît
ainsi dans l ’achat qu ’elle fait soudain d ’une cafetière électrique,
parce qu ’Alain n ’aime pas le café soluble. Le geste à lui seul est à
la fois cadeau et déclaration d ’affection, mais aucun mot ne sera
adressé sur ce sujet au fils pourtant tendrement aimé. De cette
situation douloureuse, Stéphane Brizé nous donne à voir un tableau
rigoureux et honnête. Sans forcer le trait, il dessine au travers du
personnage d ’Alain le portrait d ’un homme qui n ’a pas réussi à
surmonter l ’impact destructeur de son éducation. Et le jeu tout en
finesse et en sobriété de Vincent Lindon apporte beaucoup de profondeur à
ce personnage secret d ’écorché vif.
Quelques heures de printemps est un drame intimiste bouleversant.
d'après Odile d ’Harnois ( source: Diaphana Distribution )
Conférence de presse :
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