D’UN FILM A L’AUTRE
Claude Lelouch - France 1h44 - 2009
Un documentaire retraçant toute la filmographie de Claude Lelouch. Pour les 50 ans des Films 13, le cinéaste y dresse un bilan de sa carrière, assumant échecs et succès, et y montre des images inédites...
Biographie
C'est en faisant son service militaire que Claude Lelouch a fait ses premières armes avec sa caméra. Intégré dans le Service cinématographique des armées, ce jeune homme d'une vingtaine d'années en profite pour tourner sept courts métrages. En 1960, il crée sa maison de production Les Films 13 et produit son premier long métrage de fiction « Le Propre de l'homme ». C'est un échec et il brûle son négatif de dépit. Après d'autres films, il se révèle au public grâce à « Un homme et une femme » (1966) qui obtient la Palme d'or au Festival de Cannes. Ensuite, il enchaîne les films en cumulant les fonctions de réalisateur, scénariste, directeur de la photographie, monteur et acteur. Il donne un ton particulier à ses films en privilégiant les rapports humains et en tentant de conserver toute la spontanéité des acteurs. Avec de nombreux films à son actif tels « Itinéraire d'un enfant gâté », « Tout ça... pour ça » ou « Une pour toutes », Claude Lelouch continue de montrer au public son amour du cinéma. En 2004, il signe les « Parisiens », premier pan de ce qui devait être un triptyque sur le genre humain. Il réalise « Le courage d'aimer » en 2005, une version rebaptisée des « Parisiens », puis « Roman de gare » en 2007. Apprécié tant par le public que par la critique, Claude Lelouch est un pilier du 7ème art français.
Filmographie
Roman de gare (2007)
And now...Ladies & Gentlemen (2002)
Une pour toutes (2000)
Hommes, femmes : mode d'emploi (1996)
Les Misérables (1995)
Tout ça...pour ça ! (1993)
Il y a des jours...et des lunes (1990)
Itinéraire d'un enfant gâté (1988)
Un Homme et une femme : vingt ans déjà (1986)
Partir, revenir (1985)
Edith et Marcel (1983)
Les Uns et les autres (1981)
Robert et Robert (1978)
Toute une vie (1974)
L'aventure c'est l'aventure (1972)
La Vie, l'amour, la mort (1968)
Vivre pour vivre (1967)
Un Homme et une femme (1966)
Le Propre de l'homme (1960)
Production : Les Films 13
Réalisateur : Claude Lelouch
Scenario : Claude Lelouch
Genre : Documentaire
Durée : 104 min
D'un Film à l'Autre - Une histoire de Claude Lelouch
Rencontre avec Claude Lelouch à l'occasion de la sortie du film D'un film à l'autre .
Interview de Régis Dulas
A l’occasion de la sortie en salle d’un documentaire retraçant la riche et longue carrière de Claude Lelouch : « D’un film à l’autre », une partie de l’équipe de Cinémotions était présente au Kinépolis de Lomme et c’est Régis Dulas, en amoureux du réalisateur, qui l’a interviewé, pour votre plus grand plaisir chers lecteurs !
Régis Dulas : Pour commencer, je vais vous faire une déclaration d’amour. J’ai 49 ans, cela fait un demi-siècle que vous faites du cinéma, ma vie est passée au gré de vos films. « D’un film à l’autre » c’est la musique de fond de ma génération.
Claude Lelouch : Merci, l’amour de mon public, ce fut toujours mon moteur et ma motivation. J’ai eu la chance d’être le témoin de mon époque. J’ai été caméraman d’actualité, et cela se ressent dans mon travail. Je me suis inspiré de mes observations. Quand on regarde mes films, c’est avant tout un témoignage direct de toutes ces années. Les décors, les costumes, les sentiments même baignent dans la mentalité ambiante. J’ai toujours voulu faire des films d’humeur, sur l’humeur du moment. Avec le temps qui passe, on voit les choses différemment. Si il y a un critique qui a de la consistance, c’est bien le temps qui passe. Il est le seul qui remet les choses à leur place. A mon âge, le temps me donne enfin les vrais fruits de mon travail.
R.D : « D’un film à l’autre », bilan ou perspectives ?
C-L : En fait, au départ, il n’était pas destiné à être présenté au grand public. Je l’avais fait pour mes copains, mes enfants à l’occasion des 50 ans des films 13. J’espérais qu’il passerait un jour à la télé. Mais quand j’ai vu l’enthousiasme qu’il suscitait, quand j’ai entendu les amis sortir bouleversés et me prier de le sortir, j’ai cédé. En fait, c’est une métaphore sur tous les métiers. Donc nous allons le sortir discrètement dans quelques salles, pas comme un film avec Brad Pitt (sourire).
R.D : Qu’est-ce qui vous nourrit au quotidien ?
C-L : La curiosité. Il y a près de sept milliards d’êtres humains qui s’agitent dans tous les sens sur notre planète. Chacun y joue un rôle ; c’est comme un casting géant. Cela me fascine, j’essaie juste de faire jaillir cette effervescence sur l’écran. Je ne porte jamais de jugement. Il y a seulement des gens de bonne ou de mauvaise humeur suivant le jour ou l’heure. C’est la matière première de mes scénarios. Alors, on aime ou non : j’ai toujours eu autant de fans que de détracteurs. Dans « d’un film à l’autre », j’ai essayé de réaliser un autoportrait sans complaisance.
R.D : L’esprit critique envers soi-même, c’est essentiel ?
C-L : Avec le temps, on digère les choses. Personne n’a toujours raison ; personne n’est constamment au sommet. Les films qui n’ont pas rencontré le public sont ceux qui m’ont permis de progresser. Je suis un autodidacte, mon école c’est celle de la vie. Je suis donc retourné 43 fois à l’école. Je vais vous l’avouer : je me suis parfois plus amusé avec mes échecs qu’avec mes succès. (Sourires). J’ai réalisé ce film pour mes enfants. Pour qu’ils comprennent que l’on ne peut pas voler de victoire en victoire. Les emmerdes, c’est le jogging du bonheur.
R.D : Le bonheur, quête éternelle ?
C-L : Je suis toujours friand de voir comment l’homme cherche à approcher le bonheur. C’est dans la prise de risque que personnellement j’ai été le plus heureux. Après la sortie d’ « un homme et une femme », j’aurais pu surfer sur ce succès : faire des castings d’enfer, adapter des best-sellers… En bref, une carrière peinard, assurer le coup ; me lancer dans des films pour le marché.
R.D : Vous avez même refusé les propositions d’Hollywood.
C-L : Oui, parce que j’avais une certaine idée du cinéma. J’ai eu un succès planétaire avec « Un Homme et une Femme » : la Palme, les Oscars, les Golden Globe, le grand chelem …Cette chance, ça été pour que je puisse faire le cinéma que j’avais envie de faire. Je trouvais horrible de rentabiliser mon succès. Je suis très heureux de ne pas avoir céder aux sirènes du succès, de ne pas faire de films de commande. « La femme spectacle », au début de ma carrière en fut un ; je m’en suis toujours mordu les doigts. J’ai eu une vie formidable : l’argent que j’ai gagné –ou perdu- j’ai pu le mettre au service de ma passion, le cinéma. Je vis une grande histoire d’amour avec le public. Il m’a parfois fait cocu, mais après tout pourquoi pas ? J’ai un rapport de couple avec les spectateurs ; on se quitte, on se retrouve…
R.D : Et votre rapport avec la critique ?
C-L : Par rapport à Kubrick, dont j’ai vu hier l’exposition qui lui est consacrée, j’ai n’ai pas à me plaindre. (Sourires). Tous ceux qui ont été attaqués ont laissé de vraies traces. Il faut être seul contre tous parfois. C’est la prise de risque qui m’a fait avancer. Sur tous mes films, j’ai pris des risques (artistiques, financiers). Aujourd’hui, les films partent couverts grâce aux chaines de télévision.
R.D : Comment choisissez-vous vos acteurs ?
C-L : C’est très intime le cinéma ! Si on n’a pas une intimité avec ses acteurs, on ne travaille pas bien. On fait l’amour avec une équipe. Je dis des choses à mes comédiens que je n’osais pas même dire à son épouse. J’ai mélangé ma vie privée et ma vie professionnelle. Parfois, je ne savais plus où j’en étais. Je me suis nourri de ces parfums de vérité.
R.D : Comment gère-t-on la pudeur de comédiens comme Ventura ?
C-L : Lino disait à tout le monde : « quand je tourne avec Lelouch, je suis en récréation. » Les acteurs ne viennent pas chez moi pour tourner un film de plus. Certes, le jour où vous avez des échecs, ils viennent moins facilement. C’est triste, mais je ne porte pas de jugements. Après tout le bonheur que j’ai reçu, je n’ai pas le droit de me plaindre.
R.D : La Nouvelle Vague, une imposture ?
C-L : Je n’ai jamais été en accord avec ce mouvement. Je pense que la Nouvelle Vague, c’est Godard à lui tout seul et que les autres se sont accrochés au train. Quand j’ai connu le succès avec « un homme et une femme », Truffaut m’a appelé pour me dire qu’il avait adoré mon film. « Il y avait une façon de filmer avant vous, il y aura une façon différente de tourner après vous ; nous voulons faire un numéro spécial des Cahiers sur vous. » J’ai répondu que je ne me sentais pas un enfant de la Nouvelle Vague. Je lui ai dit : « vous m’avez montré tout ce qu’il ne fallait pas faire ; je veux bien faire un papier à l’unique condition que je puisse dire ce que je pense vraiment » Il s’est fâché et huit jours plus tard, il démolissait mon travail. J’ai payé pendant cinquante ans ma rébellion contre ce mouvement qui, certes, aura ouvert des portes mais qui les aura tout de suite refermé. Ils ont craché sur Audiard, sur Duvivier et Autant-Lara. Je ne pouvais pas l’admettre. C’est comme s’ils avaient insulté mes parents, ceux qui m’avaient donné envie de faire du cinéma. Résultat : ils ont fini par faire des films classiques. « Le dernier métro », c’est « La traversée de Paris » en moins bien.
R.D : Lelouch, itinéraire d’un enfant gâté ?
C-L : La vie est un voyage au pays des merveilles et des horreurs, il faut accepter ce voyage. J’ai toujours aimé les risques or nous avons fabriqué un monde où personne ne prend plus de risques. Le risque, c’est le plaisir. C’est ce qui donne un sens à la vie. Il ne faut pas confondre le bonheur et le confort. C’est triste le confort, ça ne peut pas faire grandir l’être humain, ça ne peut que l’endormir. Il vaut mieux avoir des ennuis que s’ennuyer. Notre société crève d’ennui. Pour revenir à votre question, je suis un enfant gâté parce que j’ai pu réaliser mes rêves.
R.D : Vous aimez filmer les retrouvailles, est-ce lié à un élément biographique ?
C-L : En fait, j’adore les rencontres, les séparations et les retrouvailles parce que sont les temps forts d’une vie, où l’Homme est vivant à 100%. J’aime les histoires d’amour car c’est ce qui donne un sens à la vie, être amoureux c’est l’Oscar des Oscars.
R.D : Et la mort ?
C-L : Je n’ai pas peur de la mort, elle me file le trac mais elle ne me fait pas peur. Et quand j’ai le trac, c’est bon signe. (Sourire). Les gens ne dégustent pas suffisamment le menu de la vie. Notre existence, c’est une séance de cinéma où l’on aurait raté les dix premières minutes et où on devrait partir avant la fin. En dehors des temps forts, il faut prendre le reste comme une fête. Aujourd’hui, on ne rit plus, on ricane. On ne pleure plus, on pleurniche.
R.D : Le cinéma de Lelouch, un hymne à la musique ?
C-L : La musique, c’est ce qui parle le mieux à notre part d’irrationnel. Je veux toucher les sens plutôt que l’intelligence. L’intelligence a trop le sens des affaires, elle est trop pragmatique à mon goût. Alors que notre cœur est dans la vérité. Vous ne pouvez pas contrôler les battements de votre cœur, ils sont réglés sur vos émotions, donc sur votre vérité intime. Mes films parlent au cœur car lui sait d’où l’on vient et où l’on va. Alors que le cerveau ne le saura jamais. C’est pour ça que je préfère les comédies musicales. Mon film préféré c’est « Chantons sous la pluie. » Si Dieu existe, il est musicien.
R.D : Des regrets ?
C-L :Il faut accepter les ricochets de la vie. Personne n’est assez performant pour tout prévoir. L’univers a surement une comptabilité différente de la nôtre. Il a tout son temps, alors que nous non. Nous avons quoi 70-80 ans devant nous. L’Homme est dans l’urgence. Je ne crois pas à la Mort, je pense que le meilleur de chacun est conservé de vie en vie. Je suis très optimiste pour l’avenir. Car tout est toujours compliqué avant de devenir simple.
Propos recueillis par Régis Dulas le jeudi 24 mars pour CinEmotions.com.
Merci à l’ensemble de l’équipe du Kinépolis de Lomme pour son chaleureux accueil.
Francis LAI - Claude LELOUCH :
Une très longue collaboration.
Claude LELOUCH a toujours fait une grande place à la musique vis à vis du cinéma. Et si l'on doit le succès de ses films à l'image , la musique de Francis LAI fait aussi partie d'une grande histoire d'amour . Elle est devenue indissociable , à tel point qu'on pourrait comparer les films de Claude LELOUCH à une partition musicale, avec ses refrains, ses couplets, ses reprises , ses thèmes , ses crescendo, ses phrasés et quelques modulations, tout comme la musique de Francis LAI à elle seule décrit une image sans avoir vu le film. Cette collaboration est devenue fusionnellement sine qua none .
La majorité des oeuvres de Francis LAI auront marqué obligatoirement cette étroite collaboration et demeurent inévitables à l'histoire intégrale des films de Claude LELOUCH. Un homme et une femme a été la clef d'ouverture de cette amitié considérée comme fraternelle, quasi-éternelle et indissociable.
(Daniel HERMAN).
Francis LAI - son studio à l'époque du synthétiseur MOOG modulaire. ( 1976 )
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